Cosetta
Graffione démontre qu’il y a des choses qui se disent avec des mots et d’autres
uniquement par le mouvement. Pina Bausch disait : « Nous avons
tous besoin de transmettre nos émotions par la parole ; il y a aussi des
moments où l’on reste sans parole, complètement perdus et désorientés. On ne
sait pas quoi faire. À ce moment, la danse commence, pour des motivations
différentes que la vanité… Cela est la merveille de la danse : le corps
est une réalité sans laquelle rien n’est possible, une réalité à traverser et
ensuite à dépasser. »
Au
début du projet avec Jean, cette phrase a été le moteur et la source
d’inspiration pour envisager une chorégraphie qui puisse être manifestation
d’une danse poétique, pure, fortement teintée d’expressionnisme.
L’intention de Cosetta n’est pas maintenant de réaliser ou montrer le silence qui n’existe pas mais plutôt de donner la possibilité au public de ressentir et vivre une expérience contemplative et poétique du silence. « En découvrant la musique de Jean j’ai ressenti un mélange de puissance et de sublime », dit-elle, « une musique dotée de la force d’évocation du non-dit. Elle résonne avec l’intime inavoué de mon corps ».
Pour
cerner au plus près les enjeux du processus de création, trois concepts clés
sont ainsi proposés :
LE
GESTE :
Cosetta
Graffione tend à rendre visible le silence à travers une qualité de mouvement
qui sache s’adresser au corps et à la mémoire de tous. Pour cela, le geste est
l’élément clé : il suit, il quitte le piano, il travaille à détourner les
attentes et les perceptions du spectateur. Il s’inspire des gestes quotidiens nécessaires pour faire du
silence : prendre souffle, donner du sens au début et fin de phrase et
accorder à l’autre le temps de compréhension.
LE
DÉFI DE L’IMMOBILITÉ :
Cosetta
a décidé de défier, grâce à son expérience en tant que modèle vivant,
l’immobilité pour montrer comment le manque de mouvement n’est point la
manifestation du silence du corps.
Elle
pense plutôt que le corps qui se meut est tout à fait capable de transmettre la
dimension de plénitude du silence.
L’INCONSCIENT
ET LE SILENCE :
La
chorégraphe poursuit son parcours personnel, après le travail chorégraphique
« Les Mémoires de l’Eau », sur le désir inconscient des spectateurs
et leur sublimation.
Dans
son précédent solo, l’eau est l’élément que le public, inconsciemment,
souhaitait s’approprier. Dans « Sinami », c’est le silence que
Cosetta Graffione cherche à offrir, en imaginant une œuvre dense, vivante et
profondément ouverte aux émotions du spectateur. Elle nous rappelle que rien en
l’homme n’est local ni figé, car la vraie demeure de l’humanité est
l’imagination.
Sa
source d’inspiration a été l’artiste Anish Kapoor, artiste britannique qui se
nourrit d’une réflexion psychanalytique et spirituelle. Pour lui, il n’y a pas
de spectateur innocent ; la vision de l’art accompagne toujours une histoire
personnelle vécue dans le présent ou le passé. Le spectateur participe à la
fois avec son corps et sa mémoire et quand les deux parcourent, traversent une
oeuvre d’art, quelque chose se passe, quelque chose change.
Pour
la chorégraphe, la danse est aussi la rencontre privilégiée avec l’invisible;
c’est l’infiniment petit qu’elle cherche à accomplir, une exploration de la
sensibilité du féminin avec la puissance et le réalisme du masculin.
Cosetta
Graffione souhaite que cet invisible devienne une chorégraphie intense qui se
réalise au sein d’une parfaite harmonie entre silence et musique, une plénitude
pour exprimer l’inexprimable.
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